Les green bonds, ces obligations vertes censées financer la transition écologique, sont en plein essor. Mais comment s’assurer qu’elles tiennent leurs promesses ? Plongée dans l’encadrement juridique de ces nouveaux instruments financiers.
L’émergence des green bonds : un phénomène en pleine expansion
Les green bonds ont fait leur apparition sur les marchés financiers au milieu des années 2000. Ces obligations vertes sont émises par des entreprises, des institutions financières ou des entités gouvernementales dans le but de financer des projets ayant un impact positif sur l’environnement. Depuis leur création, le marché des green bonds a connu une croissance exponentielle, passant de quelques milliards de dollars en 2012 à plus de 500 milliards de dollars en 2021.
Cette croissance rapide s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, la prise de conscience croissante des enjeux climatiques pousse les investisseurs à rechercher des placements plus responsables. D’autre part, les émetteurs y voient une opportunité de diversifier leurs sources de financement tout en améliorant leur image de marque. Enfin, les gouvernements encouragent le développement de ce marché pour atteindre leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le cadre réglementaire international : des initiatives volontaires aux normes contraignantes
Face à l’essor des green bonds, la nécessité d’un encadrement juridique s’est rapidement fait sentir. Les premières initiatives sont venues du secteur privé, avec la création des Green Bond Principles (GBP) en 2014 par l’International Capital Market Association (ICMA). Ces principes, bien que non contraignants, ont posé les bases d’un cadre de référence pour l’émission de green bonds.
Au niveau international, l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (OICV) a publié en 2021 des recommandations visant à harmoniser les pratiques en matière de green bonds. Ces recommandations portent notamment sur la transparence des informations fournies par les émetteurs et la nécessité d’une vérification externe des projets financés.
L’Union Européenne a franchi un pas supplémentaire en adoptant en 2020 le règlement Taxonomie, qui établit une classification des activités économiques durables. Ce règlement, combiné au futur European Green Bond Standard (EU GBS), devrait créer un cadre réglementaire contraignant pour les green bonds émis dans l’UE.
Les exigences de transparence et de reporting : le nerf de la guerre
L’un des enjeux majeurs de l’encadrement juridique des green bonds réside dans les obligations de transparence et de reporting imposées aux émetteurs. Ces derniers doivent fournir des informations détaillées sur l’utilisation des fonds levés et l’impact environnemental des projets financés.
Le règlement Prospectus de l’UE, entré en vigueur en 2019, impose déjà aux émetteurs de green bonds de fournir des informations spécifiques dans leur prospectus. Ces informations doivent permettre aux investisseurs d’évaluer la durabilité des projets financés et leur adéquation avec les objectifs environnementaux annoncés.
En France, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a publié en 2020 une doctrine sur l’information à fournir par les sociétés de gestion pour les fonds se présentant comme durables. Cette doctrine s’applique indirectement aux émetteurs de green bonds, qui doivent fournir des informations suffisamment précises pour permettre aux gérants de fonds de respecter leurs propres obligations de transparence.
La vérification externe : un gage de crédibilité
Pour renforcer la confiance des investisseurs, la plupart des green bonds font l’objet d’une vérification externe par des organismes indépendants. Cette pratique, initialement volontaire, tend à devenir une obligation légale dans certaines juridictions.
Le futur European Green Bond Standard prévoit ainsi que tous les green bonds émis sous ce label devront faire l’objet d’une vérification externe avant et après l’émission. Cette vérification portera sur l’alignement des projets financés avec la taxonomie européenne et sur l’utilisation effective des fonds levés.
En France, la loi Pacte de 2019 a introduit la possibilité pour les entreprises de faire certifier leur raison d’être par un organisme tiers indépendant. Cette certification, bien que distincte de la vérification des green bonds, participe à la même logique de renforcement de la crédibilité des engagements environnementaux des entreprises.
Les risques juridiques liés aux green bonds : entre greenwashing et responsabilité des émetteurs
L’encadrement juridique croissant des green bonds s’accompagne de nouveaux risques pour les émetteurs. Le principal risque est celui du greenwashing, c’est-à-dire la présentation trompeuse de projets comme étant plus écologiques qu’ils ne le sont réellement.
Aux États-Unis, plusieurs actions en justice ont déjà été intentées contre des émetteurs de green bonds accusés de greenwashing. En Europe, le renforcement des obligations de transparence et l’introduction de la taxonomie devraient faciliter ce type de poursuites à l’avenir.
Au-delà du risque réputationnel, les émetteurs de green bonds s’exposent à des sanctions financières en cas de non-respect de leurs engagements. Le règlement Taxonomie prévoit ainsi des amendes pouvant aller jusqu’à 500 000 euros pour les entreprises qui fourniraient des informations trompeuses sur le caractère durable de leurs activités.
Vers une harmonisation mondiale des standards ?
Face à la multiplication des initiatives nationales et régionales, la question de l’harmonisation des standards pour les green bonds se pose avec acuité. Une telle harmonisation permettrait de faciliter les émissions transfrontalières et de renforcer la confiance des investisseurs.
Des efforts en ce sens sont déjà en cours. L’Organisation Internationale de Normalisation (ISO) travaille actuellement sur une norme internationale pour les green bonds. De son côté, le G20 a créé un groupe de travail sur la finance durable, qui pourrait aboutir à des recommandations pour harmoniser les pratiques au niveau mondial.
Néanmoins, l’harmonisation complète des standards reste un défi, compte tenu des différences de contextes réglementaires et de priorités environnementales entre les pays. Un équilibre devra être trouvé entre la nécessité d’une cohérence globale et le respect des spécificités locales.
L’encadrement juridique des green bonds est en constante évolution, reflétant la maturation rapide de ce marché. Entre initiatives volontaires et réglementations contraignantes, un cadre de plus en plus robuste se dessine pour garantir la crédibilité de ces instruments financiers verts. Ce renforcement juridique est essentiel pour maintenir la confiance des investisseurs et assurer que les green bonds jouent pleinement leur rôle dans le financement de la transition écologique.
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